Un trou géant dans le champ magnétique de la Terre s'agrandit : est-ce inquiétant ?

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chtimi054
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Un trou géant dans le champ magnétique de la Terre s'agrandit : est-ce inquiétant ?

Message par chtimi054 »

Un trou géant dans le champ magnétique de la Terre s'agrandit : est-ce inquiétant ?

Sous l’Atlantique Sud, le champ magnétique terrestre s’amincit et se déforme, comme s’il se « creusait » lentement depuis le cœur de la planète. Baptisée Anomalie de l’Atlantique Sud (ou SAA), elle s’est agrandie d'une surface équivalente à cinq millions de km². Certains chercheurs voient dans cette variation, rapide à l'échelle des temps géologiques, le signe d'un déséquilibre entre le noyau de notre planète et son manteau.
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La Terre se comporte comme un aimant géant, générant un champ magnétique (la magnétosphère) qui nous protège du vent solaire. © ixpert / Shutterstock
Le champ magnétique terrestre est notre principal bouclier planétaire, assurant sa protection contre les agressions extérieures. Il défléchit une grande partie de l'activité ardente du Soleil (vents et tempêtes solaires) ainsi que les rayons cosmiques qui bombardent en permanence la Terre, préservant ainsi notre atmosphère et, par extension, la vie elle-même.

Ce champ subit en permanence des fluctuations dues à l'activité interne de notre planète ; il se déforme et se déplace : un phénomène parfaitement naturel. Néanmoins, depuis quelques années, une région attire l'attention des spécialistes ; une vaste zone où ce bouclier naturel semble s'affaiblir : la SAA.

Selon une étude publiée dans le volume 328 de la revue Physics of the Earth and Planetary Interiors, la SAA s'étend très rapidement et la tendance ne s'inverse pas. Quelles sont les conséquences probables de cet affaiblissement ?

Que se passe-t-il sous l’Atlantique Sud ?

L’Anomalie de l’Atlantique Sud s’étend aujourd’hui sur des millions de kilomètres carrés, entre le Brésil, l’Afrique australe et le sud de l’océan Atlantique. On pourrait la décrire comme une « zone de flux inversé » dans le champ magnétique terrestre, une zone dans laquelle l’intensité du champ chute à son minimum.

Selon les données des satellites européens Swarm, qui surveillent le champ magnétique depuis 2013, cette dépression magnétique s’est agrandie, atteignant la moitié de la superficie de l’Europe depuis 2014. « Le champ magnétique n’est pas un système stable et calme, mais un océan de fer en fusion en perpétuel mouvement », explique le géophysicien Chris Finlay, de l’Université technique du Danemark. « Et dans cette région, le champ s'affaiblit d’une manière particulièrement intense ».

Pour bien comprendre cette particularité, un bref rappel en géophysique s'impose ; concentrons-nous donc sur la source du magnétisme terrestre. Le noyau externe de notre planète est constitué de métaux en fusion ; du fer et du nickel, principalement, constamment brassés. Les courants de convection qu'ils dégagent génèrent notre champ magnétique, qui est globalement dipolaire. Un peu comme un aimant géant, avec un pôle nord et un pôle sud.

Sous l'Atlantique Sud, cette dipolarité est perturbée. Les chercheurs ont observé des zones où les lignes de champ magnétique s’inversent : elles plongent de nouveau vers le noyau au lieu de remonter vers la surface. Pour bien se figurer ce concept un peu abstrait, on peut s'imaginer qu'il s'agit d'un « contre-courant magnétique ».

C'est ce déséquilibre local qui contribue à l'affaiblissement de la SAA. L'une de ces zones de flux inversé tend d'ailleurs à se déplacer lentement vers l'ouest, dérivant à raison de 20 km par an.
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Évolution de l’intensité du champ magnétique terrestre entre 2014 et 2025. Les couleurs choisies traduisent la force du champ magnétique : du violet (faible) au jaune (fort). © ESA
Un bouclier magnétique sous tension : nos infrastructures sont-elles menacées ?

Les causes exactes de cette anomalie restent encore débattues, mais les chercheurs ont une hypothèse à proposer, étayée désormais par de solides indices. Les données géophysiques actuelles établissent une forte corrélation entre l'évolution de la SAA et le superpanache africain (ou LLSVP en anglais, African Large Low-Shear-Velocity Province).

Situé sous le continent africain, c'est une portion du manteau concentrant des matériaux plus chauds, moins denses et différents, d'un point de vue chimique, des roches environnantes. Une anomalie géothermique qui pourrait perturber les échanges de chaleur entre le noyau et le manteau, et influencerait à plus grande échelle l'intensité du champ magnétique terrestre. Il agirait donc comme une zone de turbulence à la base du manteau, en modifiant la fuite de la chaleur depuis le noyau et en désorganisant les courants de convection.

Inutile de céder à la panique néanmoins, ces perturbations n’ont pas de conséquence directe pour la vie à la surface ; du moins pour l’instant. Toutefois, elles ont déjà des effets mesurables sur certains de nos instruments. Dans la zone de l’anomalie, les satellites en orbite basse traversent un environnement où la protection magnétique est plus faible : ils y sont donc plus exposés aux particules solaires. Des passages à risque, qui leur font subir des pics de radiation, des dysfonctionnements électroniques et, parfois, des pannes mécaniques.

Même la Station spatiale internationale (ISS) doit se prémunir lorsqu'elle orbite au-dessus de la SAA et adapter ses opérations afin d'éviter tout endommagement de ses appareils embarqués. Certains vols transatlantiques à haute altitude sont aussi concernés ; les compagnies aériennes surveillant en permanence l'activité solaire pour que leurs aéronefs suivent des plans de vol évitant cette zone si nécessaire.

Au cours des 20 dernières millions d’années, la Terre a connu plusieurs centaines d'inversions complètes de polarité : le nord devenant le sud, et inversement. La dernière fois que cela s'est produit, c'était il y a 780 000 ans : c'est donc bien un cycle naturel de notre planète, et d'un point de vue géophysique la variation de la SAA n'est pas franchement exceptionnelle. Ce qui l'est, en revanche, c'est la rapidité de l'évolution observée depuis 2014 ; pour le moment aucun modèle ne parvient à expliquer pourquoi elle est si intense.

Il n'y a absolument aucune crainte à avoir sur un potentiel affaiblissement général du champ magnétique, un scénario complètement improbable au regard de l'histoire géologique de notre planète. Une faiblesse observée comme celle de la SAA n'est rien d'autre qu'un effet superficiel. Rappelons tout de même que la Terre a connu bien pire : de violentes inversions (Brunhes-Matuyama, Lagrange, etc.), sans qu'elle n'en subisse la moindre conséquence climatique ou biologique.

merci à CLUBIC
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